Quand voler est une aventure ...
Je décolle le samedi 17 mars de Roissy Charles de Gaulle en direction de Québec. Il y a toutefois une escale à Montréal parce que je pars avec Air Canada. Seule une compagnie française propose des dessertes directes. Dans le même temps, j'ai ainsi pu observer une dérive du marketing : dans l'avion, une annonce nous indique sans gêne qu'Air Canada a le plaisir d'offrir à sa clientèle une atmosphère non polluée. Voilà un moyen très subtil de faire passer une obligation légale pour un geste gracieux d'une compagnie. Comme si des clients choisissaient cette compagnie pour son air pur plutôt que pour le prix, la sécurité ou le respect des horaires ?
Ayant passé les 6h du vol presque qu'à manger et à boire tellement les services sont rapprochés, je débarque tout bouffi pour ma correspondance. Je suis sûr qu'ils ont eu des échos de mon goût prononcé pour les accoudoirs ! Après le réconfort, l'effort : il faut récupérer son sac et le transférer manuellement vers l'autre avion. C'est la première fois que ça m'arrive et c'est un gage de m'en rappeler. Autre dérogation à mes habitudes : il faut ensuite sortir de la zone sous douane, repasser les formalités pour rejoindre un nouveau terminal. Pas très optimal et surtout risqué quand on connaît ma propension à me perdre dans certains cas. En même temps, j'ai réussi presque sans aide. C'est signe que je progresse ...
Le vol suivant a lieu à bord d'un modèle réduit tant les navettes sont fréquentes. Peu après le décollage et me trouvant enfin au hublot, je constate avec une relative inquiétude que la neige n'est pas très importante au sol. C'est que je suis venu faire du chien de traineau pas de la randonnée ! Peu à peu, un tapis blanc recouvre par endroit le sol. C'est comme si vous aviez mis dans votre salon le tapis de votre grand ancêtre du XVIème siècle et que les mites étaient passées par là depuis : Il y a des surfaces blanches mais pas uniformes.
L'arrivée sur Québec est impressionnante à plusieurs titres :
1) les banlieues sont très étendues mais avec une densité de l'habitat modérée : il n'y a pas de grandes barres,
2) chaque jardin contient le cercle bleu d'une piscine. Oh, là, il y a un pauvre ! Ca doit être le seul qui n'en a pas. Je n'imagine même pas la honte qu'il doit ressentir ...
3) La cabane avec les deux coucous, c'est sûr que c'est l'Aéroport International de Québec ? J'exagère à peine tant cet aérodrome me paraît de la taille de ceux de province, de Cracovie ou d'Oulan-Bator ...
Sur les 30 passagers qui descendent, un seul tiers attend de récupérer ses bagages dont ça ne tarde pas. La question que je me pose alors c'est de savoir s'il y a d'autres personnes du groupe qui ont pris le même vol que moi (j'étais le seul par mon agence mais je savais qu'il y avait plusieurs participants). Et une fois franchies les portes de la sortie, c'est un bref instant de solitude car il n'y a personne. Je croyais qu'ils enverraient au moins un ours ou un orignal mais là ... C'est alors que je vois réapparaître dans le hall, un homme grand et costaud que j'avais déjà repéré à travers une vitre en attendant la récupération de mon sac. Je suis sûr que c'est lui et effectivement il se présente : Gilles. Vous remarquerez mon instinct infaillible qui doit remonter à la période où les hommes étaient encore chasseurs-cueilleurs. Bon d'accord, je vous l'accorde, Gilles était seul et il y avait peu de chance que j'ai tort... Mais enfin je l'ai reconnu alors reconnaissez-moi un petit peu de mérite quand même ...
Installation à Québec
Nous sommes deux : Gilles et moi. Les autres participants nous rejoindrons le lendemain. Ils sont au nombre de 6. Je m'attendais donc à une voiture genre Smart ou Twingo en termes de taille mais c'est une immense fourgonnette qui me conduit sur Québec. Les bagages sont à au moins 3 mètres de moi ! Pour un québécois, mon guide a un accent pas très local : il vient de Marseille(u) et 15 ans de dépaysement ne lui ont pas suffi à perdre ce ton chantant. Nous parlons surtout météo pour lever mes doutes puis organisation du séjour.
Pendant ce temps-là, les banlieues défilent autour de moi et confirment que le maillage de l'espace est assez large et que la nature occupe les vides. La structure des quartiers est géométrique : un quadrillage.
Nous enchaînons sur divers sujets et j'apprends notamment qu'a lieu le soir même un énorme événement sur Québec qui impacte la circulation : c'est le Crashed Ice, une épreuve de descente d'une piste en patins. Il y a 5 manches dans le monde dont la finale à Québec ce soir. Couplé à la St Patrick, il risque d'y avoir de l'ambiance.
Nous garons le véhicule, gagnons l'hôtel à pied puis prenons possession chacun de notre chambre. RDV demain à 14h. Il est 19h et je n'ai pas envie de rester enfermé ici alors je ressors illico pour aller voir ce qu'est ce Crashed Ice.
Le Crashed Ice et les difficultés de commander dans un fast-food ...
Le centre de la vieille ville est barricadé et tous les sacs fouillés. Une fois passé ce contrôle, je tombe sur le point de départ au pied du Château de Frontenac, LE monument emblématique de Québec. La foule est déjà importante et il faut se faufiler. La musique est à fond. Il y a de l'ambiance !
Le principe est que 4 patineurs descendent pendant quelques minutes une piste glacée large de 3 à 4 mètres avec plein d'obstacles : sauts, bosses, épingles à cheveux ... Le but est d'arriver le premier en bas. Le départ est donc impressionnant et les chutes nombreuses. Une partie des sportifs sont des professionnels, les autres des amateurs qui ont passé une sélection drastique. Les coureurs sont équipés de casque de BMX, motocross ou hockey et viennent essentiellement d'Europe et d'Amérique du Nord.
Je choisis de ne pas rester statique pour mieux profiter du spectacle et de l'ambiance mais suis englué dans une véritable marée humaine. A tel point qu'en certains endroits il est possible de ne pas bouger d'un millimètre pendant plusieurs minutes. L'organisation avance entre 2 descentes le chiffre de 105 000 spectateurs. Ca résume bien le coude à coude auquel je me livre. Je renonce à accéder à la partie basse et me rabats sur des considérations plus bassement matérielles : "il fait faim" et ça serait bien que je trouve un fast-food (autre que Mac Do) ou une sandwicherie pour ne pas perdre de temps. Je me dirige alors vers ma perte en entrant dans un Subway, là encore pour la première fois de ma vie. Je repère un sandwich jambon-fromage sur une photo ce qui me va très bien et annonce ma commande au serveur. Après la première phase de surprise extrême (j'ai dit une bêtise?), mon interlocuteur décide d'aider ce pauvre plouc sorti d'il ne sait quelle grotte pour venir commander un sandwich le soir le plus chargé de l'année. Première question "combien de pouces ?". J'aurais pu répondre "Aucun juste le sandwich" mais là j'aurais été interné d'office alors j'opte pour un plus modeste "vous proposez quoi ?". Ravi d'avoir fini par répondre à sa question nécessitant un calcul mental effroyable, je me vois déjà en train de récupérer mon sandwich jambon-fromage 6 pouces. Mais le serveur ne me lâche plus : "nous avons 6 types de pains, lequel désirez-vous ?". QUOI ? 6 types de pains !!! Mais qu'est-ce qu'il veut que j'en sache moi : j'utilise toujours la baguette quand je me les prépare moi-même. Heureusement que les clients derrière sont patients. Ils doivent s'amuser de mon ignorance parce qu'il me reste encore à choisir les garnitures parmi une quinzaine, la sauce, le sel ou pas, avec ou sans poivre, au micro-onde ou pas ... A la fin, c'est limite si je me souviens encore de ce que j'ai commandé au début et de l'année où je suis rentré dans ce Subway. Mais j'obtiens le sandwich attendu. Je suis plus crevé que par le décalage horaire et décide d'abandonner la quête d'un dessert.
La fin de soirée approche, ce sont les demi-finales femmes puis hommes. Lors de la présentation des candidates et candidats, la foule entre en transe dès qu'elle entend ou voit sur les écrans géants un nom canadien. L'hélico tournoie dans les airs et retransmets des images de la foule impressionnante. Des DJ s'occupent d'enflammer le public entre deux manches et les écrans incitent régulièrement à faire un maximum de bruit. Il vaut mieux être là qu'à l'hôtel en train de tenter de s'endormir.
Avant le dénouement, nous avons le droit à un entracte hilarant : la descente de Horace, une mascotte en quelques sortes, qui enchaîne les chutes et autres clowneries tous les 5 mètres ou s'arrête pour franchir les obstacles à pied. La foule enthousiasmée scande son nom pour l'encourager.
Puis vient le temps de la finale, la finale dame voit la victoire d'une franco-ontarienne. Le public moi-compris sommes satisfaits de la championne. Puis vient le tour des hommes : 3 canadiens (le public est à nouveau en transe) et 1 finlandais. Dès le départ, un canadien prend les devants et dévale la piste en tête tandis que ses concurrents chutent ou sont contenus derrière lui. Jusqu'à ce qu'un des concurrents reviennent d'on ne sait où tel une fusée et le dépasse lors de l'ultime saut à quelques mètres de la ligne. Cruelle désillusion quand il voyait la victoire acquise ! Puis s'affiche le drapeau du vainqueur : finlandais. Le Québec pleure, 1 personne sur 105 000 est heureuse de la démonstration d'un p'tit gars de notre "Vieux Continent" : moi ! Mais j'évite de le manifester parce que ça pourrait me causer quelques problèmes dans le coin ...
Je parcours également en cette soirée de St Patrick les rues du centre et nombre de personnes sont aux couleurs de l'Irlande avec divers accessoires (chapeau, barbes ...). Un petit clin d'oeil à ma prochaine destination. Et un premier aperçu bien agréable de cette belle ville.